Intelligence Collective & Bien-Être au Travail : Quelle relation ? – Partie 2/3

Dans le cadre du meetup Happy@Work Montpellier, j’ai pu animer le Jeudi 26 Octobre 2017 un atelier participatif sur le thème : « Intelligence Collective & Bien-Être au Travail : Quelle relation ? ».

Relation entre Intelligence Collective et Bien-Être au Travail

Pour laisser une trace et capitaliser sur le contenu présenté, j’ai rédigé le contenu de ce dossier « Intelligence Collective & Bien-Être au Travail : Quelle relation ?«  en 3 articles pour les absents et ceux qui seraient intéressés par ce sujet:

1- Le 1er article a été consacré à l’Intelligence Collective.

2- Ce 2ème article portera sur le Bien-Être au Travail en faisant un focus sur les Organisations Humanistes.

3- Le 3ème et dernier article du dossier vous présentera ma conviction concernant la Relation entre Intelligence Collective & Bien-Être au Travail.

 

2ème partie – Bien-Être au Travail

Illustrations du Bien-Être au Travail dans les Organisations Humanistes

Après la 1ère partie de l’atelier où les participants ont pu réfléchir ensemble à la notion d’Intelligence Collective, une 2ème partie de l’atelier sur le Bien-Être au Travail a commencé.

Pour ma part, je considère que les Organisations Humanistes sont une bonne illustration du Bien-Être au Travail, même si j’en conviens aisément ces organisations ne sont pas la panacée et que, comme pour tout système, il faut aussi le regarder avec un esprit critique pour prendre conscience de ses dysfonctionnements et l’améliorer. Néanmoins, à l’heure actuelle, je pense que c’est l’un des meilleurs schémas pour s’adapter au monde complexe que nous vivons actuellement.

Jacques Lecomte : Les entreprises humanistes

Je reprends le terme « Entreprise Humaniste » de Jacques Lecomte, issu de son ouvrage « Les Entreprises Humanistes » 1, pour le transformer en « Organisation Humaniste » car pour moi ce type d’organisation va au-delà de la séparation entreprise / organisme public. Il existe certainement plus d’entreprises humanistes, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’existe pas également des organismes publics qui se comportent en organisation humaniste. Par ailleurs, par le passé, j’ai déjà écrit un autre article sur mon choix d’utiliser le terme Organisation Humaniste plutôt que celui d’Entreprise Libérée.

Pour commencer cette 2ème partie de l’atelier, j’ai cité des acteurs importants de cet univers, connus en France ou à l’étranger. On peut y reconnaître de gauche à droite : Isaac Getz, Jean-François Zobrist, Frédéric Laloux, Jacques Lecomte et Alexandre Gérard.

Acteurs du mouvement Entreprises Libérées

 

1ère exemple du Bien-Être au Travail : Buurtzorg

Equipe Buurtzorg

Puis, j’ai illustré le Bien-Être au Travail via l’exemple de Buurtzorg, organisation humaniste créée en 2006 par Jos de Blok aux Pays-Bas dans le domaine du soin infirmier à domicile. L’histoire de Buurtzorg commence maintenant à être connue, je vais donc résumer celle-ci en quelques lignes. Dans les années 1980/1990, les Pays-Bas rationalisent les coûts dans le domaine des soins infirmiers à domicile, amenant les infirmiers à travailler dans un mode quantitatif avec forcément une qualité des soins en chute libre. Personne ne s’y retrouve, ni les professionnels de santé qui n’ont pas fait ce métier pour de « l’abattage », ni les patients qui voient des « ovnis » entrer et sortir de chez eux à la vitesse de la lumière sans connaître leur dossier, ceci pour pratiquer un acte médical « à la va-vite » et dont la logique ne leur est plus expliquée. Le système génère de la frustration pour toutes les parties ! Jos de Blok crée alors Buurtzorg avec une petite équipe de 12 personnes. Leur raison d’être est de rendre son autonomie au patient de manière à ce qu’il puisse se passer des soins infirmiers. Cela va bien au-delà des soins infirmiers proprement dit et les infirmiers de Buurtzorg vont jusqu’à prendre contact avec les voisins, la famille du patient pour le re-socialiser et vaincre son isolement. Le parti pris est qu’un patient socialisé peut plus facilement redevenir autonome, et un  patient autonome est moins malade. A noter que ce dernier point n’est juste que du bons sens et est en cohérence avec la raison d’être d’un soin infirmier. En quelques années, Buurtzorg prend 65% des parts de marché des soins infirmiers aux Pays-Bas, et attire plusieurs milliers d’infirmiers qui quittent par légions les structures de soins traditionnelles basées sur la logique de la rationalisation des coûts. Les collaborateurs de Buurtzorg sont organisés en un réseau de petites équipes autogérées de 12 personnes. Les infirmiers de Buurtzorg prennent le temps de tisser des liens avec le patient, font en sorte qu’il y ait un ou 2 infirmiers affectés aux soins d’un même patient, et surtout agissent pour que ce patient retrouve rapidement assez d’autonomie pour se passer d’eux. En redonnant du sens à une profession, Buurtzorg, Organisation Humaniste, a généré non seulement du Bien-Être au Travail pour ses coéquipiers mais également du Bien-Être pour les patients, et ceci en seulement quelques années. L’ironie du sort est que Buurtzorg est bénéficiaire au niveau de ses profits et a fait gagné des millions d’euros au budget du ministère de la santé des Pays-Bas ! De plus, poussant la logique de leur raison d’être vers son optimal, vers ce projet qui a du Sens et qui va au-delà d’eux-mêmes, Jos de Blok et Buurtzorg ont partagé leur expérience et aident leurs concurrents et d’autres pays à imiter leur modèle vertueux.

2ème exemple du Bien-Être au Travail : IMA Technologies

IMA Technologies

IMA Technologies est une filiale d’Inter-Mutuelles Assistance, dotée de 400 collaborateurs, située dans la région de Nantes. Cette Organisation Humaniste est dirigée par Christophe Collignon qui a su lâcher prise et mettre en oeuvre avec ses équipes un écosystème d’Intelligence Collective au sein de leur structure.

Pour témoigner de leur aventure, les collaborateurs d’IMA Technologies ont édité le fascicule « Le Chemin de la Confiance  » témoignant de leurs expériences de libération :

IMA Technologies : Le chemin de la confiance

Dans ce fascicule, vous retrouverez pléthore de témoignages des collaborateurs d’IMA Tachnologies illustrant leur Bien-Être au Travail. J’ai retenu celui de Valentine Urvoy, qui se définit comme Directrice des Richesses Humaines :

« Je suis traitée justement en adulte responsable et innovant. Je peux être moi-même et ne plus « porter de costume ». Je peux proposer et déployer mes talents. Je participe à la performance de l’entreprise ».

« Respiration pour nous et autour de nous :

Cette respiration a diminué la pression négative… Sans pression, nous pouvons alors utiliser l’intégralité de nos qualités pour gérer un dossier complexe, assimiler une formation, être totalement présent à notre mission ».

« Respect :

D’abord envers nous-mêmes. Nous sommes fiers de contribuer à un environnement relationnel sain. Puis envers les autres. Recevoir la confiance de quelqu’un qui ne nous connaît pas est un très beau cadeau… Nous avons gagné en bonheur… La bienveillance est contagieuse…».

Les pratiques d’Intelligence Collective dans les Organisations Humanistes

Après avoir donné ces 2 exemples de Bien-Être au Travail, les participants de l’atelier ont pu réfléchir collectivement aux pratiques d’Intelligence Collective mises en oeuvre au sein d’une Organisation Humaniste, ceci en expérimentant un 2ème World Café en petits groupes de 6 personnes. La question à laquelle ils devaient répondre était la suivante : Selon vous, comment se manifeste l’Intelligence Collective dans les Organisations Humanistes ? Après la réflexion, nous avons partagé les fruits de la récolte avec tous les participants.

 Puis, j’ai explicité des exemples de pratiques mises en oeuvre au sein d’organisations humanistes.

La sollicitation d’Avis chez AES

AES

Chez AES, géant américain de la distribution d’électricité de part le monde, il existe une pratique d’Intelligence Collective qui est à proprement parler « fantastique » : la Sollicitation d’Avis. En effet, lorsqu’un collaborateur d’AES sent l’opportunité de prendre une décision, celui-ci a le devoir de consulter les personnes qu’il estime compétentes, par exemple ses pairs, des experts, celles qui seront impactées par la décision, d’autres personnes, … afin de récolter leurs avis sur ladite décision. Ensuite, en son âme et conscience, le collaborateur peut prendre sa décision en tenant compte ou non des avis qu’il aura récolté auparavant.

Il va sans dire que nous avons là, juste dans cette pratique chez AES, une illustration « phénoménale » des caractéristiques de l’IC :

Equivalence : Chacun peut prendre des décisions,

Confiance : le système fait confiance à celui qui prendra la décision

Culture de l’Essai/Erreur, Boucle d’Apprentissage : Expérimentation de la décision, analyse et apprentissage par la suite

Liberté/Responsabilité : Chacun est libre de prendre la décision en étant assez responsable pour consulter les avis et ne pas engager le collectif sur une route « suicidaire »

Et ceci dans une entreprise américaine de plusieurs dizaines de milliers de collaborateurs… Personnellement, je trouve ça très fort : Chapeau bas !

L’Auto-Organisation des Equipes chez Favi

FAVI

Chez Favi, les équipes étaient organisées en mini usines autogérées par client de Favi. Le commercial travaillait directement avec les collaborateurs de la mini usine pour adapter la production aux fluctuations des commandes. Ces équipes n’avaient plus de middle-management, et très peu de fonctions support. Elles devaient donc gérer elle-même les congés, les achats, la maintenance du matériel, l’intégration des nouveaux, la formation, … à peu près tout comme une PME au sein de FAVI.

Les Augmentations Annuelles chez Morning Star

Morning Star

 

Chez Morning Star, leader mondial de la transformation de la tomate, le processus de détermination des augmentations annuelles est un  processus IC.

Chaque collaborateur rédige une lettre où il indique le pourcentage d’augmentation auquel il estime avoir droit. De plus, il enrichit sa lettre par les recommandations et témoignages de collègues avec qui il a travaillé pendant l’année. Si le collaborateur estime qu’il n’a pas besoin  d’augmentation, il le précise également. Toutes ces lettres sont ensuite examinées par un comité de collaborateurs volontaires qui adresse à chacun une réponse avec un avis. Celui-ci peut être favorable ou défavorable à l’augmentation mais cet avis est argumenté en fonction de comparaisons avec des collègues dans la même situation que le collaborateur. L’avis du comité n’est que consultatif, puisque le collaborateur fera lui-même son choix final : soit il conserve l’augmentation qu’il demande, soit il la baisse en fonction de la recommandation du comité. A la fin, toutes les augmentations sont partagées de façon transparente, de manière à ce que n’importe qui puisse connaître l’augmentation de n’importe qui.

Cette pratique d’Intelligence Collective permet ainsi un bon fonctionnement et une régulation du système.

La Créativité & l’Innovation chez Buurtzorg

Buurtzorg

J’ai déjà présenté les grandes lignes de Buurtzorg dans le 1er article de ce dossier, je vais donc focaliser sur un exemple d’innovation qui a eu lieu dans l’Organisation Humaniste Buurtzorg. Non seulement les infirmiers de Buurtzorg avait comme raison d’être d’aider les patients à redevenir autonome, mais une équipe locale de Buurtzorg a eu l’idée de retaper une vieille maison pour en faire une maison de repos pour les aidants, ces personnes qui sont souvent de la famille du patient et qui l’aide dans son quotidien de malade. Soutenir un malade au jour le jour est fatiguant, voire usant et les infirmiers ont pensé à cette maison de repos pour requinquer les aidants et leur redonner de l’énergie pour repartir dans leur tâche difficile. L’idée a tellement été un succès qu’elle a pu se généraliser aux autres équipes volontaires pour mener à bien localement un projet de ce type.

Dans les Organisations Humanistes, le fait que les personnes soient libres et peuvent s’exprimer apporte un souffle de créativité et d’innovation. Les équipes peuvent alors s’auto-organiser pour développer collectivement les bonnes idées.

La Boucle d’Apprentissage

La boucle d'apprentissage

 

La boucle d’apprentissage est une pratique d’Intelligence Collective qui se retrouve dans toutes les Organisations Humanistes. Il s’agit de s’inspirer d’un principe fondateur du Vivant qui n’a de cesse d’Expérimenter, d’Analyser et d’Apprendre, puis de nouveau d’Expérimenter, d’Analyser et d’Apprendre, etc…

Chaque personne peut tenter une nouvelle expérience, du fait de la Liberté et de la culture Essai/Erreur. Ensuite, le collectif peut analyser ce qui s’est passé, comprendre quels impacts a eu l’expérimentation. Enfin, en fonction du résultat, le collectif peut juger si les impacts ont été positifs ou négatifs pour lui-même, i.e. que le collectif peut apprendre. Et ainsi de suite, …

Cette pratique d’Intelligence Collective est à l’origine de l’Agilité et de la Résilience de l’Organisation Humaniste.

Le Recrutement par les Pairs chez Favi

FAVI

Alors que dans les structures classiques, le recrutement d’une personne se fait par la DRH, dans les Organisations Humanistes, le recrutement se fait par les pairs. Le constat est le suivant : Qui mieux que les futurs collègues du futur embauché sauront quelle personne s’adaptera le mieux à leur équipe ? La réponse tombe sous le sens : personne !

Chez Favi, lorsqu’un candidat devait être embauché, celui-ci était invité à passer une partie de la journée avec sa future équipe de la mini usine. Tous les membres de l’équipe rencontrait cette nouvelle personne, et passait du temps avec elle, non pas en entretien classique mais dans l’usine à utiliser les machines. Pour finir, l’équipe se réunissait pour débriefer sur le candidat avant de faire son choix d’embauche ou non.

Conclusion

 Nous avons commencé par voir des exemples de Bien-Être au Travail au travers d’Organisations Humanistes : Buurtzorg et IMA Technologies. Puis, nous avons passé en revue certaines des pratiques d’Intelligence Collective de ces Organisations Humanistes. Cette Liste n’est pas exhaustive mais elle donne un aperçu des pratiques d’IC dans ces organisations.

Dans le 3ème et dernier article qui clôturera ce dossier « Intelligence Collective & Bien-Être au Travail : Quelle relation ? », je vous donnerai ma conviction concernant la relation entre l’Intelligence Collective et le Bien-Être au Travail.

Annexe – Bibliographie

1 Lecomte J., Les Entreprises Humanistes. Paris :  Les Arènes

2 Getz I., Carney B. M. (2013), Liberté & Cie. Paris : Champs Essais

3 Zobrist J.F (2014), La belle histoire de Favi. Paris : Humanisme & Organisations

4 Laloux F. (2015). Reinventing Organizations. Paris : Diateino

5 Gérard A., Valtot A. (2016). L’aventure Chronoflex. Paris : Cueilleuse d’histoires

 

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