Intelligence Collective & Bien-Être au Travail : Quelle relation ? – Partie 1/3

Dans le cadre du meetup Happy@Work Montpellier, j’ai pu animer le Jeudi 26 Octobre 2017 un atelier participatif sur le thème : « Intelligence Collective & Bien-Être au Travail : Quelle relation ? ».

Relation entre Intelligence Collective et Bien-Être au Travail

Pour laisser une trace et capitaliser sur le contenu présenté, j’ai rédigé le contenu de ce dossier « Intelligence Collective & Bien-Être au Travail : Quelle relation ? » en 3 articles pour les absents et ceux qui seraient intéressés par ce sujet:

1- Ce 1er article sera consacré à l’Intelligence Collective.

2- Suivra un 2ème article sur le Bien-Être au Travail en faisant un focus sur les Organisations Humanistes.

3- Le 3ème et dernier article du dossier vous présentera ma conviction concernant la Relation entre Intelligence Collective & Bien-Être au Travail.

1ère partie – Qu’est-ce que l’Intelligence Collective ?

Lors de l’atelier, nous avons commencé par réfléchir à cette notion d’Intelligence Collective (IC). En tant que Facilitateur en Intelligence Collective, ça aurait été un non sens pour moi d’aborder ce thème sans que les participants puissent expérimenter et vivre une expérience d’Intelligence Collective. C’est donc sous la forme d’un World Café, en petits groupes de 6 personnes, qu’ils ont pu répondre à la question : Pour vous, qu’est-ce que l’Intelligence Collective ? Puis, une récolte de ce qui a avait été produit a été réalisée, et un représentant de chaque groupe a pu synthétiser les partages au sein de son groupe à l’ensemble des participants. Ensuite, j’ai présenté quelques définitions de l’IC.

Définition de Pierre Lévy

Pierre Lévy : L'Intelligence Collective

Dans son livre intitulé « L’Intelligence Collective » 1, Pierre Lévy nous donne sa définition :

L’Intelligence Collective est « une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences… le fondement et le but de l’intelligence collective sont la reconnaissance et l’enrichissement mutuels des personnes… »

Que nous dit Pierre Lévy ? Evidemment, que l’IC se fait à plusieurs, collectivement, mais qu’elle se retrouve dans tous les maillons d’un réseau puisqu’elle est « partout distribuée ». Que l’IC produit non seulement de la valeur, mais que cette valeur est elle-même valorisée, mise en avant, pour produire encore plus de valeur sans cesse. Que les organismes collectivement intelligent réagissent en temps réel pour s’adapter. Que l’IC utilise les compétences que tout un chacun peut apporter au collectif. Enfin que l’IC est basée sur les relations à double sens entre les personnes et que ces relations permettent à tous de grandir, de se développer et d’être reconnues par le collectif. Un peu compliquée à comprendre du fait de son abstraction cette définition de Pierre Lévy, mais elle dit l’essentiel.

Définition de Vincent Lenhardt & Philippe Bernard

Vincent Lenhardt et Philippe Bernard : L'intelligence collective en action

En 2009, Vincent Lenhardt & Philippe Bernard dans leur ouvrage « L’intelligence collective en action » 2 donne leur propre définition de l’IC :

Une dynamique d’acteurs coresponsables interconnectés culturellement (soft) et organisationnellement (hard), en alliance autour de visions partagées.

Selon ces auteurs, l’IC serait donc une mise en action, puisqu’elle est dynamique, entre des personnes reliées entre elles par une culture et une structure d’organisation. De plus, ces personnes auraient échangées leurs visions, ces échanges auraient aboutit à une entente en coresponsabilité. En des mots plus simples, des personnes qui ont une vision, une culture et une organisation commune, et qui se mettent en action font de l’Intelligence Collective.

Définition d’un collectif d’auteurs

Collectif d'auteurs : L'Intelligence Collective

3ème et dernière définition mais c’est celle que je préfère car plus accessible à la compréhension de tout un chacun. Cette définition a été produite par un collectif d’auteurs (Christine Marsan, Marine Simon, Jérôme Lavens, Gauthier Chapelle, Sybille Saint-Girons, Thomas Emmanuel Gérard, Eric Julien) dans leur ouvrage : L’intelligence Collective 3 :

L’intelligence coopérative est la fertilisation croisée de multiples intelligences d’un groupe, où chacun manifeste la volonté de contribuer et de coopérer équitablement au service du vivant. Pour accompagner son émergence, des postures et des processus de facilitation permettent d’ouvrir et d’entretenir cet espace du « vivre ensemble autrement » où sont cultivées la confiance, l’authenticité, l’énergie créative, les interrelations et les interdépendances.

Je trouve cette définition à la fois complète et simple dans les mots choisis, à la portée de tout un chacun. Je fais donc le choix de la commenter partiellement. Les points que je retiens :

L’IC est au service du Vivant. En effet, l’IC se retrouve dans le Vivant comme l’illustre très bien l’organisation des fourmis ou des abeilles, les murmurations des oiseaux ou les bancs de poissons qui s’agrègent et se désagrègent pour lutter contre un prédateur. Mais cela concerne également l’Humain qui a souvent tendance à oublier qu’il fait partie du Vivant et que son intelligence ne le place pas au-dessus de celui-ci.

L’IC, c’est « vivre ensemble autrement », adopter une manière différente de fonctionner en collectivité par rapport au modèle classique que nous connaissons tous. L’IC est donc aussi un état d’esprit, une ouverture aux autres qui permet non pas seulement de cohabiter mais qui va bien au-delà et permet de vivre ensemble différemment.

Que des processus de facilitation, c’est-à-dire des outils expérientiels, comme par exemple le World Café, le Forum Ouvert, mais aussi le CoDéveloppement ou encore le Pro Action Café, peuvent être mis en oeuvre pour aider à l’émergence de l’IC au sein d’un groupe de personnes. Egalement, que chacun de nous peut adopter la bonne posture, une ouverture aux autres, pour aider à cette émergence. De plus, des facilitateurs avec la bonne posture peuvent établir un cadre souple mais sécurisant, où la confiance, l’Authenticité, l’Energie créative, les interrelations et les interdépendances sont mises en avant.

Écosystème de l’Intelligence Collective

Pour faire émerger l’Intelligence Collective, il est nécessaire de mettre en oeuvre un écosystème favorable à la collaboration et à l’expression des personnes, un cadre à la fois sécurisant et à la fois assez souple pour ne pas scléroser le système. Précision importante : L’Intelligence Collective ne peut émerger que si ce cadre souple et sécurisant existe bel et bien. Sans celui-ci, ce n’est pas l’Intelligence Collective qui émergerait mais bien le chaos !

Pour ma part, il me semble important de mettre en oeuvre un écosystème du type suivant pour faire émerger l’IC :

 

Écosystème de l'Intelligence Collective

Certaines caractéristiques des écosystèmes collectivement intelligents sont faciles à appréhender tant ils font partie de l’adn de ces mêmes écosystèmes. Parmi les caractéristiques précédentes, la Confiance et la Collaboration.

L’Équivalence est le fait que l’expression de chacun a le même poids que celui d’une autre personne. Ce qui ne veut pas dire que chacun des points de vue doit forcément faire partie de la décision collective finale, ce qui reviendrait à un consensus mou, mais que chacun a le même droit de s’exprimer. Par la suite, ce sera au collectif à déterminer quels sont les arguments qu’il considère important pour déterminer une solution commune.

La Liberté fait également partie de cet adn, mais il ne faut pourtant pas omettre sa sœur jumelle qui est représentée par la Responsabilité. Chacun a le droit d’agir librement, eu égard à la responsabilité de ses actes vis-à-vis du collectif. Ainsi, grâce à la Responsabilité, le système met en oeuvre une auto-régulation des actes égocentrés qui nuiraient au collectif.

L’Auto-Détermination se réfère au fait que la personne se sent maître de son propre comportement, elle a le sentiment d’être autonome et que ses actes sont pleinement voulus en conscience.

L’Authenticité permet à chacun d’exprimer ce qu’est réellement son Être. L’Authenticité de chacun apporte sa diversité de compétences, de points de vue, d’expériences au collectif. En bref, son métissage et donc sa richesse, caractéristique très importante pour la créativité et l’adaptation et donc la résilience.

Le Partage de l’Information, en d’autres mots la Transparence, est primordiale dans un écosystème collectivement intelligent. En effet, sans cela, certaines personnes pourraient s’octroyer du pouvoir en thésaurisant l’Information, empêchant ainsi le principe d’Équivalence de bien fonctionner. De plus, comment prendre les bonnes décisions si vous n’avez pas assez d’informations pour le faire sereinement ? Permettre à chacun d’avoir accès à l’Information augmente la qualité des décisions prises par le collectif.

Un système est Agile s’il s’adapte en continu à son environnement. Pour pouvoir s’adapter, il faut une Boucle d’Apprentissage de type Expérimenter / Analyser / Apprendre. A noter que la Boucle d’Apprentissage est une caractéristique fondamentale du Vivant. Levez la tête et regardez autour de vous ! La vie n’est faite que de cette boucle d’apprentissage. Les insectes, les animaux, les arbres, tout le Vivant s’adapte en permanence aux conditions de l’environnement extérieur. De même, un enfant qui apprend à marcher n’y arrive pas du 1er coup mais en expérimentant (j’essaie de marcher et je tombe), j’analyse (pourquoi je suis tombé ?) et j’apprend (les fois suivantes, je ne refais plus les mêmes erreurs et j’expérimente autre chose). La présence même de chaque espèce est dûe à la Boucle d’Apprentissage de la Vie. Quand la cellule se divise en 2, normalement elle reproduit à l’identique la même cellule. Sauf que statistiquement, parfois la 2ème cellule n’est pas totalement identique à la 1ère. Or dans certains cas, l’erreur survie mieux dans son environnement que l’originale. La Vie a expérimenté (la 2ème cellule est différente de la 1ère), la Vie a analysé (la 2ème cellule est plus viable que la 1ère dans son environnement), la Vie apprend (la duplication de la 2ème cellule à plus grande échelle). Un système collectivement intelligent devrait donc être Agile et mettre en oeuvre la Boucle d’Apprentissage. Encore faut-il que dans le système, il y ait une Culture de l’Essai/Erreur ! Essai et expérimentation, c’est la même chose et c’est ce que nous avons déjà vu avec la boucle d’apprentissage. La Culture de l’Erreur concerne le fait de valoriser l’Erreur. Le principe est qu’à force de faire des erreurs et apprendre, à un moment donné, le système va devenir meilleur et progresser. Dans un système collectivement intelligent, les personnes doivent disposer d’un Droit à l’Erreur qui leur donnera un cadre sécurisant pour expérimenter en toute sérénité. Si ce Droit à l’Erreur est bafoué, à court voire moyen terme, les personnes n’expérimenteront plus car la confiance aura été brisée et elles se mettront en mode « survie » dans un système schizophrène (d’un côté on leur dit qu’elles ont droit à l’erreur, de l’autre elles sont réprimandées).

La Vulnérabilité est une autre caractéristique d’un tel écosystème. Prendre conscience et accepter de ne pas tout maîtriser, de lâcher-prise dans un environnement complexe n’est rien d’autre que de se sentir vivant. Chaque Être, (animal, plante, insecte, humains, …) ne peut prédire s’il sera encore vivant la seconde d’après, c’est tout simplement une caractéristique du Vivant. Accepter sa Vulnérabilité, c’est juste accepter que nous ne pouvons pas tout prévoir et que nous devrons naviguer à vue, sans toutes les informations, pour prendre des décisions, i.e. expérimenter pour progresser/grandir. Dans un environnement peu changeant comme aux XIXème et XXème siècles (jusqu’aux années 1990 environ), la planification à moyen, voire à long terme était un gage d’efficacité. Dans cette époque, le Taylorisme a eu du bon et a produit la société de consommation avec des avancées technologiques et sociétales majeures ! Depuis les années 2000, l’environnement étant devenu complexe (cf. le livre de Thomas L. Friedmann « Merci d’être en retard« ), personne n’est capable de prédire l’avenir même à court terme. Vouloir faire de la planification dans un tel environnement, reviendrait à nier cette complexité et, en corollaire, ne pas accepter sa propre Vulnérabilité. En d’autres mots, c’est déjà creuser sa propre tombe par refus de se sentir vivant et vulnérable.

Enfin, the last but not the least, la caractéristique du Sens. La question du Sens est pour moi fondamentale. J’y avais non seulement consacré le 1er article de ce blog « Quel est le sens du Sens ?« , mais c’est la raison d’être même de CollectiveO, le cabinet de Facilitation & Coaching d’Organisation que j’ai fondé récemment. Dans le cadre d’un système collectivement intelligent, le Sens est ce qui donnera du liant à l’ensemble. Le Sens fixera le cap et servira de boussole à tous pour savoir si les personnes et le collectif sont sur le bon chemin. Grâce à ce repère, le collectif pourra s’adapter et ré-orienter son action si besoin. Le Sens a une influence sur la Collaboration entre les personnes, la Liberté/Responsabilité, l’Authenticité, l’Auto-Détermination, la Boucle d’Apprentissage, la Culture de l’Essai, la Vulnérabilité.

Conclusion

Ce 1er article a donc traité d’Intelligence Collective. Nous y avons vu plusieurs définitions possibles et passé en revue plusieurs caractéristiques des écosystèmes propices à l’émergence de l’Intelligence Collective.

Dans le 2ème article du dossier « Intelligence Collective & Bien-Être au Travail : Quelle relation ? », nous verrons 2 illustrations du Bien-Être au Travail dans des Organisations Humanistes. Puis, nous nous attacherons à donner des exemples de pratiques d’Intelligence Collective au sein des Organisations Humanistes.

Annexe – Bibliographie

1 Levy, P. (1994), Intelligence Collective. Paris : La Découverte

2 Lenhardt V. & Bernard P., L’intelligence collective en action 2ème édition. Paris : Pearson

3 Chapelle, G. & Gérard, T. E. & Simon, M. & Marsan, C. & Lavens, J. & Saint-Girons, S. & Julien, E. (2014), L’Intelligence Collective. Paris : Yves Michel

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